Ne pas diviser notre soutien aux personnes « atypiques »: Editorial Papotin Moïse Assouline


Ne pas diviser notre soutien aux personnes « atypiques »: Editorial Papotin Moïse Assouline
Dans l’histoire qui aboutit à la création des chapiteaux « Turbulents », que nous fêtons aujourd’hui, participent des équipes pour lesquelles l’accompagnement des personnes autistes n’est pas divisible.

Il n’est pas divisible entre l’accès à la culture et à la créativité, entre les acquisitions scolaires et les soins du corps, entre les activités éducatives et la pédagogie émotionnelle; entre les rééducations et les thérapies, entre les soins institutionnels et l’intégration sociale, ce qui constitue l’ensemble du « plateau technique » de la prise en charge.

Pour les personnes suivies


Disons d’abord ceci : ce n’est pas divisible pour la personne autiste elle-même. Quels que soient ses niveaux de connaissance et de performance, de pragmatisme, ou de souffrance, tout le « plateau technique » lui est dû, pas seulement une partie, et il sera personnalisé en fonction de sa singularité.

Car il y a certes des différences entre une personne « verbale » et une « non verbale», entre une personne au QI de 140 et une personne « intestable », entre un calculateur prodige de calendrier et celui qui se perd sur son palier, entre quelqu’un qui est sur scène à son avantage et celui qu’on soustrairait plutôt aux regards pour ne pas le contraindre davantage…

Toutefois, cela n’exclut pas des activités communes, qui sont souvent possibles voire nécessaires. Il suffit de regarder sur scène les Turbulents ou de participer au comité de rédaction du Papotin pour constater combien cette hétérogénéité des groupes peut être heureuse quand elle se réalise.

Mais, dire que cela ne doit pas être divisible pour la personne autiste est je crois une évidence, et ici ce n’est pas mon vrai propos.

Pour les équipes

Je voulais surtout parler de ce qui s’impose moins à l’esprit, de ce qui est parfois un sujet de controverse chez les professionnels, les familles, ainsi que dans les instances administratives de contrôle et de pouvoir. Est-ce divisible au niveau des équipes ? Est-il légitime de séparer la prise en charge des « cas légers » et des « cas lourds »?

Je mets de côté les éléments techniques de cette spécialisation car d’autres revues en parlent ou en parleront.

En fait, dans ce journal, le Papotin, la question que je soulève est : peut on spécialiser l’âme et le cœur des accompagnateurs, des équipes, pour d’un côté des « cas légers » et de l’autre « des cas lourds » ?

L’inauguration des Chapiteaux me donne l’occasion d’en dire un mot par l’expérience des équipes accompagnantes de ce projet depuis plus de 15 ans, celles des hôpitaux de jour pour adolescents autistes de Paris (Santos-Dumont) et d’Antony, de l’IME Adam Shelton de Howard Buten (qui préside la Cie Turbulences) et de quelques autres.

Familières des cas difficiles, elles n’ont pas sélectionné, pour participer à des activités culturelles, parfois dites de « de prestige », des cas « légers » ou « moyens » au détriment des cas « lourds », pas plus que la direction artistique de ces programmes (Ph Duban et F. Lavenchy pour Turbulences, ou D. El Kesri pour le Papotin) ne choisissaient à l’avance ceux qui avaient des capacités spéciales

Toutefois, pour tous ceux qui n’ont pas eu, malgré cela, accès à ces activités culturelles, les équipes ont mis les bouchées doubles pour réussir des intégrations ou insertions par toutes les autres voies possibles.

Elles ont même fini par développer un savoir faire particulier et reconnu pour ranimer des projets d’accueil, d’ accompagnement et d’ insertion d’« exclus », des autistes abandonnés par la société et les institutions, ceux qu’ on appelle officiellement aujourd’hui des « Situations Complexes en Autisme et Troubles Envahissant du Développement » (SCATED).

Ainsi, ces équipes ont-elles travaillé simultanément en direction des deux extrémités du plateau technique, la sociothérapie et l’intégration par la culture à un bout, la réhabilitation soignante, corporelle et éducative la plus intensive à l’autre bout.

Or ce sont bien les «situations difficiles » que le dispositif tend à laisser pour compte, non les « situations légères », et c’est bien normal car elles exigent beaucoup plus de concentration et de rapidité professionnelles, de vigilance (face à la dangerosité) voir de nursing, et elles accélèrent l’usure des accompagnants.

Pourquoi donc dans ce cas nos équipes n’ont-elles pas suivi cette pente, presque naturelle ? C’est le point important de notre réflexion.

Ne pas diviser le souci de la culture et l’attention au bien-être de tous.

Ce qui a protégé nos collaborateurs de cette usure, ce qui les fait arborer depuis 20 ans une bonne humeur plutôt insolente, ce qui a préservé et développé leur engagement pour les cas difficiles, c’est la possibilité qu’ils ont eu, soit comme acteurs directs, soit comme membres actifs d’un réseau, de partager ou de contribuer aux activités culturelles des associations partenaires, comme Turbulences et Le Papotin - Fenêtre sur la Ville.

Cette diversité des actions entreprises et des gratifications reçues est, pour nous, une condition essentielle de l’engagement auprès des cas les plus difficiles. Si les équipes s’isolaient avec les prises en charge complexes, si elles ne pouvaient s’engager sur les autres volets du plateau technique avec tous, elle se marginaliseraient et se déprimeraient avec les seuls « cas lourds », s’enfermeraient dans des ghettos tristes et pauvres avec eux, ou bien elles abandonneraient le terrain.

Voilà pourquoi à l’ occasion de cette inauguration, nous rendons hommage aux artistes aventureux qui conduisent ces activités culturelles, non plus cette fois pour leurs productions et leur réussite avec « les turbulents », que tout le monde peut voir, mais pour l’ influence bienfaisante, quoique occulte et méconnue, de ce travail ouvert et lumineux sur des situations bien éloignées des chapiteaux : celles qui font le quotidien des équipes du réseau d’hôpitaux de Jour et d’ IME pour adolescents et jeunes adultes autistes d’Ile de France.

Editorial Papotin par Moïse Assouline

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Votre avis nous intéresse

1.Posté par Duval Corinne le 04/04/2011 00:32
Je suis la maman de Césaire, 18 ans, autiste. Je suis éducatrice de formation ! Malgré tout Césaire étant mon fils je suis bien désarmée ! Non pas face à lui, mais au manque de structures telles que les vôtres. C'est bizarre, je viens de regarder l’émission sur la 3 avec MONSIEUR Marc Lavoine, je connaissais pour être déjà allée sur le site ; le Papotin. En septembre dernier, j'ai lancé une idée un peu folle qui s'appelle Les Carrés Positifs. Si vous avez le temps vous trouverez une rubrique sur mon blog (l'adresse est au dessus), il y a aussi une rubrique sur Césaire... L'aventure des Carrés m'a amenée à réfléchir sur le devenir de cette aventure et ! Encore plus bizarrement vendredi j'ai pris la décision d'arrêter mon activité de Correspondante Locale de Presse au Télégramme (trop frustrant lorsque l'on aime agir, témoigner, partager avec ses tripes !!!). J'ai décidé (y arriverai-je ?) de me battre pour monter une petite structure pour nos jeunes, qui n'ont même plus leur place en ESAT....
Voilà, je ne vous demande rien du tout, j'étais juste venue vous lire et j'ai eu envie d'écrire. Lorsque je vois le nombre de visites ici, aurez vous même l'occasion de me lire ?
En tout cas BRAVO
Amicalement.
Corinne Duval

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